Lors de la vacation du mercredi 29 mars 2017 à Drouot Richelieu, Mes Éric Beaussant et Pierre Yves Lefèvre assistés du cabinet d’Emeric et Stephen Portier présenteront une boite en or jaune ciselé et émaillé de forme ovale. Le couvercle à charnière serti d’une miniature signée en bas à droite LE TELLIER et datée 1771 figurant probablement le Comte, la Comtesse de Provence et Marie Thérèse de Savoie dans l’embrasure de la porte. Le corps couvert d’émail translucide vert sur fond guilloché, orné en applique de quatre médaillons à décor d’attributs de musique, champêtre et amoureux séparés par des pilastres. Le fond est décoré au centre d’un médaillon ovale sur fond amati représentant un autel de l’Amour.
Louis Roucel (vers 1756 – 1787)
Cette tabatière porte les poinçons de Louis ROUCEL et la mention « Roucel orfèvre du roi » sur la gorge. Louis Roucel travailla chez Jean Ducrolay, il fut reçu comme maitre en 1763 et devint orfèvre du roi. Il fournit de 1763 à 1776 des bijoux et boites en or pour les Menus Plaisirs du Roi, dont des joyaux livrés à l’occasion du mariage du Dauphin et de Marie-Antoinette en 1770.
Jean Baptiste Le Tellier (né vers 1726 – mort après 1778)
Le couvercle est orné d’une miniature signée Le Tellier et datée 1771. Jean-Baptiste Joseph Le Tellier père était peintre en émail et en miniature. Il fut portraitiste à la cour, de la Reine, du Prince de Conti… Il réalisa des portraits comme des scènes de genre.
La signature « Le Tellier » est similaire à celle figurant sur la miniature « Jeune femme allongée sur un sopha », œuvre de Jean Baptiste Le Tellier datée 1770 et conservée au musée du Louvre (RF 176).
Selon la tradition familiale cette miniature pourrait représenter Marie-Joséphine de Savoie comtesse de Provence (1753-1810) et Louis-Stanislas-Xavier de France, comte de Provence (1755-1824). Le couple se maria le 14 mai 1771 à Versailles. Dans l’embrasure de la porte, la sœur de Marie-Joséphine, Marie-Thérèse de Savoie, qui épousera en 1773 le comte d’Artois, frère du comte de Provence.
La comparaison des personnages avec des portraits du comte de Provence, des comtesses de Provence et d’Artois, de François Hubert Drouais, Louise Elisabeth Vigée Lebrun, L.M Van Loo ou des gravures contemporaines, rend cette supposition plausible.
Cependant plusieurs points suscitent interrogations.
Les personnages principaux sont coiffés à la mode du règne de Louis XIV bien que la miniature soit datée 1771. Les personnages sont-ils costumés ? La miniature illustre-t-elle une scène de pièce de théâtre ?
Les coiffures, la position de la jeune femme à droite, qui semble observer le couple à la dérobée et porter le doigt à sa bouche comme pour nous inviter à faire silence auraient pu le laisser penser. Pourtant cette scène ne semble faire référence à aucune des pièces jouées alors.
La scène fait-elle allusion à un évènement antérieur ?
Dans les années 1771 la maison de Savoie et la maison de France scellent leur alliance par les mariages de deux des petits fils de Louis XV : le comte de Provence et le comte d’Artois avec deux des filles du duc de Savoie Victor-Amédée III (1726-1796) : Marie Joséphine et Marie Thérèse de Savoie. Le fait de costumer les personnages en les coiffant à la mode du règne de Louis XIV, fait-il écho aux mariages des deux petits fils de Louis XIV, le duc de Bourgogne et le duc d’Anjou avec et les deux filles de Victor Amédée II (1666-1730) : Marie Adélaïde et Marie-Louise Gabrielle de Savoie. La coiffure démodée du jeune couple serait-elle une allusion à l’histoire des alliances des maisons de France et de Savoie ? La jeune femme qui se tient à droite est coiffée et vêtue à la mode des années 1770, ce qui souligne d’autant la coiffure Grand Siècle des personnages principaux.
La miniature représente un prince de sang portant l’ordre du Saint-Esprit, signe de dignité princière. Le rang de ce couple contraste avec la scène les figurant côte à côte, mains croisées sur une pincette attisant le feu.
Le jeune couple est entouré de plusieurs allégories de l’Amour, un chien: symbole de fidélité, l’âtre: image du foyer, le feu vif et rougeoyant: la passion. Le geste commun du couple marque leur volonté d’entretenir ce sentiment. Enfin, les colombes évoquent l’idée d’un couple d’amants heureux. Certains de ces symboles sont repris dans les médaillons ciselés, sur le fond de la boite: un autel de l’amour, sur le côté: un trophée figurant des cœurs enflammés et carquois.
Les allégories répétées de l’Amour laissent penser qu’il pourrait s’agir d’un cadeau de mariage, réalisé pour le comte de Provence (?).
Les archives des Menus Plaisirs du mariage de Monseigneur le comte de Provence dans le mémoire des bijoux fournis pour la corbeille de Madame la comtesse de Provence ainsi que le mémoire des bijoux et diamants fournis pour le mariage de Monseigneur le comte de Provence mentionnent un ensemble de tabatières sans plus les décrire, ni préciser le nom de l’orfèvre ou du miniaturiste à l’exception de Blarenberghe mentionné pour une boite (O1 3031-3032-3033)
L’iconographie de cette boite, en l’état de nos recherches reste quelque peu déroutante. Néanmoins, elle est d’une exceptionnelle qualité et illustre de façon remarquable l’art des tabatières dans les dernières années du XVIIIème, tant dans le travail d’orfèvre de Louis Roucel que dans celui de Jean Baptiste Le Tellier, comme miniaturiste.
Rapport de Condition:
Informations pratiques :
- Mes Éric Beaussant & Pierre Yves Lefèvre
- Exposition : mardi 28 mars de 11 h à 18 h
- Vente : mercredi 29 Mars 2017 à 14h
- Salle 3 – Drouot-Richelieu, 9, rue Drouot 75009 Paris