Lorgnette en or jaune ciselé et émaillé polychrome, décorée de frises de coquilles et feuillages alternés, rosace à motifs d’ogives et festons. La partie centrale formée de quatre panneaux en or ciselé et émaillé alternés figurant, deux enfants cueillant des cerises, une nature morte aux fleurs et aux fruits, une urne fleurie et un enfant en prière devant une église, entre deux moulures de demi-perles.
Les panneaux coulissants découvrant, successivement, une montre et un guichet animé d’automates.
La montre à cadran émaillé blanc, chiffres arabes pour les heures, signée PUYROCHE.
Le guichet, telle une scène de théâtre, laisse paraître une fontaine à colonne surmontée d’une urne, de part et d’autre, deux filets d’eau s’échappent des mascarons, sur un fond émaillé polychrome figurant une loggia.
Au premier plan, un cheval poursuivant un chien. La scène est bordée d’un palmier et d’arbustes en or de plusieurs tons.
Il s’agit d’un décor en « carrousel » tournant autour de la lunette.
Les automates sont décrits dans l’ouvrage d’Alfred Chapuis (1880-1958), Le monde des automates « devant un portique entouré d’arbres avec deux fontaines d’où coulent des filets d’eau, une calèche, un cavalier, un paysan derrière son âne, défilent au son de la musique ».
Le mouvement de l’eau est figuré par deux filets de verre torsadé.
La loupe à vis, le tube central marqué S & N, pour SENE & NEISSER
- Genève, vers 1805
- Hauteur : 7,5 cm
- Poids brut : 189.5 g
- Estimation : 30.000/50.000€
Dans son écrin en maroquin rouge doré aux petits fers (usure et accidents)
(Accidents et manques, montre et automates hors d’usage, ne permettant pas d’assurer la présence de musique).
Modèle similaire reproduit dans Le monde des automates, Alfred Chapuis et Edouard Gélis, Tome second, n°349, page 66 (collection H. Plisson, Paris).
Une lorgnette de même modèle, catalogue de vente Collection P… Automates, vente du 12 juin 1956, Me Maurice Dernis, galerie Charpentier, ancienne collection Rikoff, N°181, Vente Galerie Georges Petit, 6 décembre 1907.
Les montres à automates connurent leur apogée en Suisse et en France entre 1800 et 1840. Outre les montres, les artistes fabriquèrent de menus objets de luxe, tels que miroirs, flacons à parfum, lorgnettes, tabatières … dans lesquels furent insérés des automates lilliputiens et mouvement à musique.
Genève au XIXe devint un centre spécialisé dans la fabrication de ces luxueux objets musicaux révélant l’ingéniosité des artistes dans la création de petits théâtres miniatures animés. Ces objets réunissaient, les talents d’horlogers, joailliers, sertisseur, peintre sur émail qui œuvraient en collaboration.
Les montres et tabatières suisses durent une part de leur succès à la qualité de leur décor émaillé. La peinture à l’émail née en France fut introduite à Genève au XVIIe siècle et se perfectionna grâce à de nouveaux procédés, permettant la réalisation de décor d’une grande finesse et une meilleure solidité de l’émail.
Le décor de notre lorgnette est alternativement gravé et émaillé, il figure deux natures mortes aux fleurs et deux scènes animées d’enfants : enfant en prière et enfants cueillant des cerises. Les décors émaillés étaient le plus souvent anonyme, non signés, c’est par le jeu des comparaisons qu’ils sont attribués à tel ou tel artiste. Le thème des enfants cueilleurs de cerises figure sur d’autres boites où il est attribué au peintre émailleur Jean Louis RICHTER (1766-1841), Ventes Sotheby’s juin 2015 N°108 et le 8 juin 2016, N°83. Ce peintre est particulièrement connu pour ses paysages alpins et ses scènes animées d’enfants.
La montre est signée PUY ROCHE, horloger. La lunette centrale est gravée S&N pour Sené & Neisser, orfèvres.
Philippe SENE s’associe à Philippe DETALLA de 1795 à 1805, puis avec son beau-frère Henry Neisser en 1805. En 1808 après la mort de SENE, Henry NEISSER créa sa propre marque.
Les automates des boites et lorgnettes suisses datés des années 1800 sont couramment attribués à PIGUET & CAPT. Henri Daniel CAPT (1773-1841) et Isaac Daniel PIGUET (1775-1841), furent associés de 1802 à 1811, ils se spécialisèrent dans la création d’objets de vertus et furent les premiers à associer automates et boite à musique dans la création d’objets de grande qualité.
Une partie de la production genevoise de montres et tabatières à automates fut fabriqué pour l’Orient et Extrême Orient. Elles étaient alors le plus souvent fabriquées par paires, en effet miroir. Alfred Chapuis écrit « Les collectionneurs aiment à posséder les deux montres jumelles…cela est un résultat du goût pour la symétrie que les chinois possèdent depuis des siècles … lorsqu’il s’agit de présents, une paire a une grande valeur. C’était même une règle pour les cadeaux faits à un supérieur… » Alfred Chapuis précise « les boites à musique étaient aussi vendus par paire ».
Les scènes émaillées de ces objets fabriqués par paire étaient « en miroir », l’image étant inversée, comme le reflet de l’autre dans un miroir. C’est une des spécificités de la production genevoise pour le marché chinois.
A ce propos, nous avons comparé notre lorgnette et les photos de celle reproduite dans le catalogue de la vente de Me Dernis, galerie Charpentier en 1956, les décors émaillés y sont effectivement inversés, en effet miroir.